Commencée en novembre 1981, cette
construction amateur pure (ce n’était pas un kit mais tout a été réalisé par nos
petites mains) s'est étalée sur 12 ans car nous avons voulu privilégier la
vie de famille avant tout.
Ne connaissant
rien aux composites, nous sommes arrivés à Brienne avec une équipe de bons
copains plein de courage et avec l'outillage que Jean Grinvalds nous avait
conseillé d'apporter: balance, ciseaux, plein de pinceaux, un rouleau
débulleur. Le reste: tissus de verre et résine étaient disponibles par ses
soins. Nous avions la licence de construction N°16 mais nous furent les N°4 à
utiliser les moules pour le fuselage et les N°8 pour l'aile. L'apprentissage a
été bon train puisque nous avons progressé rapidement (je me souviens être sorti
pinceau à la main lorsque nous avons entendu Jean passer avec l'Orion à la
verticale, il y a une marque indélébile sur le haut du fuselage depuis que la
résine a pris soudainement, ça c’est de
l’expérience !).
Les repas chez Laure Foucteau resteront mémorables pour
tous ceux qui ont vécu cette époque ainsi que les allers-retours entre le
terrain de Brienne et l'hôtel de
la Croix Blanche en pleine nuit
pour vérifier le bon fonctionnement du chauffage et, surtout, que le hangar
n'avait pas pris feu.
Le grand moment du
démoulage a apporté ses secondes d'émotions quand le maître,Jean Grinvalds, a
pris son maillet en main pour cogner sur le moule, et lorsqu'on a vu le fuselage
repartir vers l'intérieur ( ça faisait penser à un oeuf mollet)on a bien cru que
tout était fini !!!
Bref, après une
semaine de travaux forcés, nous avons pu reprendre la route pour
la
Normandie. Rien que de voir
la tête des gens que nous croisions, cela valait la peine, y compris les
gendarmes en train de verbaliser un automobiliste. J’'imaginais l’un dire à son
collègue:"T'as vu l'avion ?" et l'autre de rétorquer: "Arrêtes de boire, tu as
des visions!!"

Une fois rentrés,
il a fallu attaquer la réalisation de toutes les pièces variées et multiples qui
allaient permettre d'assembler la bête.
Les mois ont donc passé avec la réalisation de l'aile (une
semaine à Brienne) et le stabilo et diverses pièces plastiques (une autre
semaine). Ca, ça a été plutôt vite, mais il restait tout le reste.

Pendant toute la construction nous avons appliqué deux
règles: celle des 80/20: "80% du travail prend 20% du
temps disponible et les 20% qui restent à faire prennent les 80% du temps
restant".
Puis celle-ci:
" Peut-être que j'ai de la chance
d'avancer si lentement...car peut-être que je vais dans la mauvaise
direction".
Entre deux, il a fallu se mettre en quête d’un moteur, ce
qui nécessita un petit tour de France des terrains d’aviation pendant les
vacances, avec les enfants, pour finalement trouver notre bonheur à
Lognes : un Lycoming IO 360 à bout de potentiel et qui nous a coûté à
l’époque « une poignée de cerises » . Mais bien sûr il a fallu
lui faire une RG complète (démontage complet et remontage en changeant les
pièces nécessaires lors d’une telle opération) et nous devons une fière
chandelle à notre ami Michel pour son aide inestimable de metteur au
point.

Nos « bibles » pendant toute cette aventure auront été, sans
aucun doute possible, les livres de Tony Bingelis, livres plein d’humour et
de conseils inestimables. C’est à cette époque aussi qu’ont commencées
nos différentes visites à OSHKOSH, SUN & FUN et autres Rassemblements du RSA : les
« Mecques » incontournables pour les constructeurs amateurs de tous
poils que nous sommes; C’est dans ces lieux que nous avons fait
connaissance avec des gens merveilleux qui se reconnaîtront certainement au
cours de ces pages.
Ce qui prend le plus de temps, c’est la fabrication des
pièces, qu’elles soient réalisées par nous-mêmes ou par des ateliers, les montages
à blanc et les réglages, la localisation et l’achat des matières premières,
des instruments, etc....

Boitier étanche de rentrée de
train principal
Il faut savoir
être patient et savoir trier les nombreuses informations entendues, venant
parfois de personnes qui croient tout savoir et c’est pourquoi dans notre hangar
on peut lire un panneau avec ces mots :
« Ceux d’entre
vous qui croyez tout savoir….enquiquinent ceux d’entre nous qui en sommes
sûrs ».
Les grands
moments: la mise en croix
définitive, le bon fonctionnement du train manuel et électrique (sans oublier la
fermeture correcte des trappes et là, ce n’est pas de la tarte !), les
volets, les commandes dans le bon sens, le tableau de bord, l’électricité et
surtout la première mise en route du moteur et enfin les visites GSAC approuvant
le travail réalisé et donnant l’autorisation de procéder aux vols d’essais.
Lorsque
les visiteurs venaient au hangar et demandaient quand ça volerait, je
répondais invariablement : « Mardi 16 heures ! » Donc, un
beau mardi à 16 heures, tout étant vérifié et re-vérifié, le vent étant calme,
ayant prévenu la tour de contrôle de mes intentions et en présence de quelques
proches, L’ORION G-801 F-WJDL roule vers la piste pour rejoindre le point
d’attente. La check-list est calmement faite (ce n’est plus le moment de se
demander si tout a été bien accroché ?). Me voilà aligné en 13, accord de
la tour pour décoller, mise progressive des gaz, le F-WJDL garde l’axe sans
peine (l’hélice arrière sans doute,
car les palonniers servent de cale-pieds ?), l’accélération est franche et
soudain l’Orion saute en l’air comme si il était pressé de rejoindre l’azur, je
rends légèrement la main sans gestes brusques, je freine les roues et rentre le
train, réduction de la
PA et réglage du pas (les essais au sol ont permis de préparer
les réflexes) et soudain c’est la joie : JE VOLE SUR UN APPAREIL
CONSTRUIT DE TOUTES PIECES AVEC NOS PETITES MAINS, les
sentiments de ces moments-là sont indescriptibles tant tout se bouscule dans la
tête et en même temps il faut être vigilant à tout.

A part un problème ennuyeux de déroulement
du trim, L’ORION se comporte merveilleusement bien, je prends de l’altitude et
engage quelques virages à droite et à gauche pour mieux le sentir puis une ou
deux approches du décrochage pour décider que la vitesse de mes approches se
fera à 70 Kts pour commencer et je reviens vers le terrain pour un atterrissage,
en finale train sorti vérifié, je sors tous les volets et je me rends compte
que, une fois bien établi sur la trajectoire, l’ORION donne l’impression d’être
sur des rails. L’approche se fait sans problème (en se rappelant de ne pas
cabrer) et les roues principales touchent d’abord puis la roulette de nez, pile
dans l’axe (toujours le gyroscope derrière je suppose !), je dégage sur la
06/24 et je suis rejoint par ma fine équipe et on partage notre joie !!!
FAAAAABULEUX !!! l’opération a été menée à bien. Nous sommes Hyper HEUREUX,
notre Orion vole et très bien.
Quelque temps plus
tard, c’est la réception du CNRA et de notre immat définitive : F-PJDL (le
F pour France, obligatoire, puis P pour Pat et JDL pour mes initiales). Nous
accumulons près de 300 heures avant qu’un beau samedi de février 1999 alors que
nous volons paisiblement mon fils, Patrick et moi, dans la campagne normande,
nous ressentons comme un fonctionnement anormal (un peu comme un carburateur
givré- mais mon moteur est à injection) puis c’est l’urgence : le moteur
s’est arrêté et nous sommes en planeur à 1500 pieds d’altitude, tout va
vite : les labours, les fils à haute tension, j’ai juste le temps de
prévenir la tour de nos misères et de notre position puis c’est l’atterrissage
en catastrophe…… train sorti pour briser l’énergie et faire que la fin -si on
casse- soit la plus lente possible pour qu’on survive le mieux possible. Après l’atterrissage le plus court que
je n’ai jamais fait (50 m), nous sortons indemnes de l’appareil (il est vrai que
j’avais oublié de lui faire la bise habituelle avant de partir, c’est
susceptible ces petites bêtes là !). Je remercie le ciel et la solidité de
l’appareil en composite, j’admire le sang froid du fiston mais je pense quand
même que l’aventure de l’Orion va s’arrêter là bêtement.
Après avoir, non sans mal (on a dû scier les ailes)
rapatrié l’épave au hangar, quelques jours de décantation ont été nécessaires
pour accepter le fait que le fuselage était intact ou presque et que nous avions
besoin d’une aile neuve, donc…..l’aventure continuait.
On peut voir l'aile
sciée C'est
plus facile comme ça
Mais je ne pouvais
imaginer que ça prendrait 5 ans pour remettre l’ORION en vol et, si ce n’était
pour la ténacité d’un ami américain, Bill (on tend vers la perfection…..et on
l’atteint), qui resta à la maison jusqu’à ça re-vole cet été là, je crois que
j’en serais encore à tergiverser. Mais quelle joie «retrouvée» quand le Delta Lima
a reçu de la tour l’autorisation de décoller ce jour là !!! Le Phénix sortait des
flammes.

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